A ma treizième année, maman me dit un jour que mon père ne voulait plus que j’aille à l’école, que toute ma famille était contre mon éducation secondaire, que je savais lire et écrire c’était suffisant. Donc je devais porter le voile, et n’avoir plus de contact extérieur, qu’on allait très certainement me marier. Mais voilà savoir lire, c’est allumer une lampe dans l’esprit, relâcher l’âme de sa prison, ouvrir une porte sur l’univers. Très ferme dans la foi religieuse, je saurai convaincre les septiques qu’on peut garder le coran comme règle de morale sans se dérober à la vie de son temps. Donc je m’étais décidée a préparer un diplôme d’infirmière ;
En entrant pour la première fois au Royal Collège des sage-femmes, j’avais eu le sentiment de commencer une aventure héroïque, sure d’être marquée par un signe, je me sentais digne de cette expérience médicale, qui au terme de mes études me permettrait d’être libre, et de libérer d’autres femmes.
Déjà huit heures, « il faudrait que je parte à l’hôpital », me dis-je, et pour cela traverser la ville. Juste après avoir dépassé notre maison, un homme entre deux ages, qui me connaissait étant enfant me dit :
« Tu es la fille de Hadj Mohamed, la sage-femme, tu te plairas ici chez toi », l’accueil était cordial.
J’avançais très droite, regardant devant moi, sans m’occuper de ce qui pouvait se passer à ma droite ou à ma gauche. Une porte est ouverte, mais il faudra les forcer l’une après l’autre ; pour l’instant des visages gênés, des bouches serres, des fronts anxieux, des attitudes retenus. Il va falloir tous leur apprendre, pourrais-je réussir du même coup, à ouvrir le cœur des gents.
Mon cœur va et vient d’un bout à l’autre de ma poitrine, comme une navette de tisserand, il tisse le temps que je dois passer au Mzab. Dieu merci je crois être capable de trouver en moi des sources de bonheur, car après tout ce sont les miens, je pourrais me faire adopter par eux, pourquoi pas ? Puisque moi qui ai suivi une destinée toute différente, qui ai choisi un mode de vie révolutionnaire pour eux je les comprends.
Qu’est ce que l’indépendance ? C’est d’avoir maintenant une conscience Algérienne de prendre de courageux efforts, de prendre en main sa propre destinée et a entrer de plains pieds dans la réalité aujourd’hui sans rien renier de ses vertus traditionnelles.
« On peut enlever un enfant du Mzab, mais pas ôter le Mzab d’un enfant ».
Aicha Daddi Addoun- Sociologie et Histoire des Algériens Ibadites